Pour achever provisoirement notre évocation des figures féminines, parlons de celles que vous nommez explicitement d’un poème à l’autre vos héroïnes des héroïnes, à savoir autant de figures mythiques ou d’autrices dont voici notamment : « Lilith, Iphigénie, Emily, Cindy ». Pourquoi convoquez aussi bien une photographe que des autrices ? En quoi s’imposent-elles pour vous comme autant de figures héroïques ? Que représentent-elles pour vous au moment où vous écrivez ?
J’ai écrit sur les photos de Cindy Sherman dans mon second livre chez Flammarion, Vestiges de fillette, et depuis, les Cindy, clonées sont dans le collimateur de ma pensée. Lorsque le modèle devient doublure et que la doublure finit par photographier la photographe, les langues se délient. Ce cinéma inquiétant, celui en vase clos avec des poursuites sans poursuivants, que l’on sent pourtant nous suivre à la trace, c’est cela qui sert l’étrangeté du monde. Ces figures féminines, ces héroïnes amplifiées, sont aussi des prénoms/phénomènes, des obsessions. Il y a ce travail d’enquête sur soi-même comme dans le travail de Sophie Calle, intégrer une autre « persona » (titre d’un de mes poèmes). Et dans quelle chambre ma doublure se trouve-t-elle ? Cindy Sherman associe la séduction au multiples « soi », femmes ou hommes, elle se transmute. Les Emily (Dickinson ou Brontë) sont aussi des femmes portraitistes d’elles-mêmes qui écrivirent leur propres scènes d’absolu sans les avoir jamais expérimentées. Heathcliff est un personnage inventé de toute pièce par une femme.
Certaines femmes ont une idée déjà faite de ce qu’elles sont, elle se sont façonnées sans problème à l’aide d’injonctions sociétales dont elles se servent, d’autres ont besoin de miroir, de photos, de corporalité. Je suis performeuse aussi pour exprimer cette corporalité au travers de ma voix
. (Translation)
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